De l'interprétation de la pelle
Croyez-moi, j'ai un certain flaire pour ces choses là. Et depuis hier soir, je sens à pleins poumons qu'une polémique est sur le point de naître. Vous me connaissez assez bien pour mon franc-parler et mettre souvent mon grain de sel dans les débats de ce genre et je ne vais donc pas bouder mon plaisir de pouvoir m'exprimer sur cette nouvelle petite querelle...
Cette polémique est née le 2 novembre dernier lorsque l'Office National des Forêts à publier un communiqué adressé aux pratiquants du VTT "Freestyle" accompagné de son affiche au slogan "choc" :

Immédiatement, via ces formidables outils que sont les réseaux sociaux, le monde du vélo-tout-terrain "freeride" est monté au créneau, suivi par l'ensemble des pratiquants VTT ou presque.
Je ne suis pas un extraterrestre [clin d'œil] et moi aussi je suis un utilisateur de ces chambres de résonance. Mais avant de m'exprimer sur Facebook notamment, j'ai pris connaissance des propos tenus par les uns et les autres avant de me forger mon opinion. Certains diront qu'il y a bien longtemps que j'ai pris position sur la pratique du VTT et le respect des espaces naturels puisque je suis membre de la Mountain Bikers Fondation et cela depuis 5 ans cette saison. Cela dit, il me semble nécessaire aujourd'hui de préciser mes pensées.
Que déclare en substance l'ONF avec ce message ?
- Que l'engouement pour les activités physiques et sportives va crescendo dans nos forêts et que l'ensemble des utilisateurs doivent pouvoir y exercer leur passion dans le respect de chacun.
Je ne vois ici aucun argument qui peut aller contre ; à moins d'ignorer les règles de notre constitution basée sur les Droits de l'Homme...
- Que certains pratiquants (dont notamment les "Freeriders") dérogent aujourd'hui à ces contraintes en s'appropriant l'espace forestier au détriment d'autres usagers.
C'est aller vite en besogne puisque j'estime qu'il y a tout de même assez de place pour tout le monde, même si chacun s'installe dans son coin. Il restera en grande majorité de belles zones communes.
- Que ces vététistes de l'"extrême" façonnent ces secteurs artificiellement et y roulent trop vite ; arguant des problèmes d'ordre légal et sécuritaire.
"Sécuritaire"... Oui, il me semble bien que le VTT Freestyle est une discipline dangereuse pour son pratiquant. mais il en est de sa responsabilité, non ? Ah oui la "responsabilité", je vais y revenir... Quand à l'argument du danger de cette pratique pour les autres usagers de la forêt, pour moi il ne tient pas. Simplement en répétant qu'il y a assez de place pour tout le monde comme je l'ai dit auparavant.
"Légal"... C'est là que naît en fait la polémique. Sur deux points bien différents :
- la protection du vététiste et/ou celle du propriétaire de l'espace dédié ;
- la protection de l'environnement.
La protection de la personne
Dans cette société d'assistanat où l'on cherche à déresponsabiliser de plus en plus le citoyen par le biais du sacro-saint "principe de précaution", il est devenu difficile de trouver sa liberté. Qu'est-ce que cela signifie ? Que de nos jours l'individu confronté à une société qu'il juge de plus en plus incompatible au bien-être et au bonheur de chacun recherche également sa liberté, quitte à enfreindre les règles, mais qu'il n'est pas prêt à en payer le prix en cas de problème.
Appliqué au VTT Freestyle, le problème c'est l'accident. Qui est responsable de l'usager en cas de blessure dans cette zone désormais dédiée ; en dehors de tout cadre juridique ; au vélo-tout-terrain extrême ? Ma réponse est simple : l'usager lui-même, mais ce discours, l'usager souhaite de moins en moins l'entendre. Aujourd'hui la plupart des victimes cherchent des responsables tiers ! Et nos autorités de leur côté veulent s'en protéger.
Certains diront qu'il faut légiférer en la matière. je réponds que le cadre légal existe déjà. L'ONF le rappelle hélas maladroitement. Ceci étant, le site web "26in" entre plus en détail sur les textes de loi et explique le flou juridique entre le "code forestier", le "code de l'environnement", voire le "code de la route" !
La protection de l'Environnement
Je termine mon petit exposé (que certains auront sûrement déjà quitté) par le sujet que j'affectionne. Ici, l'ONF dénonce l'installation sauvage de modules afin de rendre l'espace naturel plus en adéquation avec la pratique du Freestyle. Pratique qui (je cite) :
(...) tasse les sols, détruit la végétation, perturbe la faune sauvage.
Et tout écolo ("bobo" diront d'autres) que je suis, je suis quasiment d'accord avec l'ONF. J'ai cependant quelques bémols à apporter.

Comme je le disais plus avant, je suis membre de la MBF depuis 2011. Son logo c'est ça : Une pelle pour agir, une bulle de bande-dessinée pour communiquer et une plante verte pour préserver.
Quand j'ai adhéré la première année, ce logo n'était pas en place et la politique de cette association était très axée sur la nécessité de sensibiliser le vététiste à la protection de l'environnement dans le cadre d'une pratique personnelle de type "loisir", autant qu'en compétition "officielle". Elle attirait aussi l'attention sur l'érosion accrue des itinéraires de vélo-tout-terrain sur les courses. L'organisation s'est donc rapprochée des organisateurs, notamment sur les grands évènements. Le but, rendre le VTT "de masse" compatible avec le respect de l'Environnement, et j'adhérais alors à 100% avec cette idée. J'aurai pu être en adéquation avec le logo s'il avait existé à l'époque.
Aujourd'hui, cette pelle me gêne de plus en plus. On lui donne peut-être désormais un sens un peu trop large à mon goût. Large comme un godet de tractopelle, bientôt vaste comme un bulldozer...
La MBF affiche sur son site Internet une vidéo qui met tout le monde d'accord et plutôt que de grands discours, je vous invite à la visionner :
Vous l'avez donc compris, je ne vois rien à redire à l'utilisation d'une pelle, d'une pelleteuse, voire d'un bulldozer dans un cadre défini légalement, en toute concertation entre les parties concernées et en toute transparence. La MBF continue de très bien faire ce job.
Là ou le bas blesse, c'est quand le Freerider libertaire mais pas téméraire (il est si facile d'ouvrir le dialogue) rameute ses potes et ses pelles pour aménager de façon sauvage son futur espace de jeu. "Sauvage" parce qu'il ne prend pas la peine de prévenir le propriétaire du terrain ; parce qu'il ne respecte pas la flore et va couper à-tout-va les espèces protégées ou tout simplement mal les couper ; et parce qu'en plus s'il se blesse gravement, lui - ou (pire) ses proches - chercheront à faire endosser la responsabilité de ses actes sur un tiers. Personne n'aime assumer un préjudice.
Qu'il n'y ait pas de méprise. Je respecte toutes les pratiques. Je déplore simplement que de nos jours la loi du marché nous oblige à mettre chaque pratique dans une case alors que le VTT ne sera toujours qu'une seule et même activité. J'en veux pour preuve le type de VTT que j'utilise ; un vélo polyvalent par excellence.
Que l'ONF comprenne que malgré son titre en gros caractères "LE FREERIDE INTERDIT EN FORÊT", la majorité des vététistes ; moi le premier ; continuerons d'utiliser nos belles forêts naturelles. Elle ferait mieux de se recentrer sur la règlementation en matière de libre circulation des biens et des personnes, y compris en terrain privé, quand ils nous arrivent de tomber sur une clôture barbelés ou carrément un portail en travers de notre itinéraire alors que les balises ONF sont présentes...
Il n'y a pas plus jouissif que de prendre "à fond les ballons" un virage relevé par des racines ; sauter une roche et atterrir sur un mono-trace vierge de tout nettoyage ; éviter une branche qui surgit devant vos yeux à la sortie d'une courbe. C'est ce que les puristes appellent "le pilotage".
Les sentiers "naturels" devraient suffir amplement à prendre du plaisir. Tourner en rond sur des aménagements de bosses et passerelles en bois, j'appelle ça du spectacle. Autres mœurs, autre temps...
[Cet article n'engage que moi. Cf : Mention Légales §-3]
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